Quand le stress est modéré, il peut être stimulant, source de dépassement et de créativité. Mais quand le stress est majeur et/ou répété, une grande détresse peut apparaître avec des effets nocifs sur la santé physique, psychique et intellectuelle.
Or les enfants et les adolescents sont plus vulnérables au stress que les adultes. Catherine Gueguen, pédiatre, rappelle que, parmi tous les mammifères, le cerveau de l’être humain est celui qui demande le plus de temps pour atteindre sa pleine maturité. Lors des premières années de la vie, le cerveau humain en construction est donc fragile et particulièrement vulnérable au stress.
Il arrive que les adultes, par méconnaissance de ce qui se passe, laissent les enfants seuls face à leur émotions difficiles (tristesse, peur, colère, honte) ou encore les bousculent, les poussent à se dépêcher, les humilient en rendant leurs erreurs ou leurs mauvaises notes publiques, les tirent par le bras, le menacent ou encore le punissent. Dans ces moments-là, le cerveau des enfants est envahi par les hormones du stress (adrénaline, noradrénaline et cortisol). Or les études en neurosciences ont montré que le stress bloque les apprentissages sur plusieurs plans.
Les sources de stress peuvent prendre diverses formes chez les enfants et adolescents :
- emploi du temps surchargé (multiplication des activités extra scolaires, longs temps de collectivité, incitations à se dépêcher, peu de temps de jeu libre…)
- punitions/ menaces (à l’école et à la maison)
- pression (sur les notes à l’école, sur les performances sportives, examens…)
- cris
- maltraitance verbale/ violence psychologique (culpabilisation, chantage, menace, retrait d’amour…)
- humiliation
- violence physique (fessée, claque, tirage d’oreille/ de cheveux…)
- négligence et répression émotionnelles (censure des émotions, peu de signes de reconnaissance positive ou d’encouragement…)
- manque de contact physique (câlin, proximité physique avec des adultes aimés) et de mouvement (position assisse imposée trop longtemps, obligation de se contenir physiquement…)
- des changements dont l’impact n’est pas compris par les adultes (déménagement, changement d’école, passage au collège…)
- relations difficiles (avec les frères et sœurs, les ami.e.s…)/ harcèlement.
Le stress altère le développement des neurones
Le stress agit directement sur les neurones et diminue la substance blanche (principalement composé des axones myélinisés et des neurones qui relient les différentes aires de la substance grise) et la substance grise (où se situent les corps cellulaires des neurones) :
le stress interfère négativement avec l’expression du BDNF (brain derived neurotrophic factor), facteur de croissance neuronale;
il diminue les dendrites (prolongements du corps cellulaire des neurones), freine la multiplication des neurones et peut même les détruire;
il altère la myéline (substance qui entoure les neurones pour permettre à l’influx électrique d’aller plus vite);
il diminue la neurogénèse (production de nouveaux neurones) et la transmission synaptique;
il inhibe la neuroplasticité (capacité du cerveau à se réorganiser en liant de nouveaux neurones entre eux ou en défaisant des liaisons neuronales);
il réduit les télomères des chromosomes, qui protègent les chromosomes du vieillissement.
Le stress fragilise la mémoire
L’hippocampe est au cœur de tout apprentissage et est particulièrement sensible au stress. Comme il est le centre de la mémoire dans le cerveau, le stress a des effets néfastes sur l’attention, la concentration et la mémorisation.
En 2012, Martin Teicher a montré que l’hippocampe diminue de volume chez les enfants maltraités physiquement et/ou verbalement.
Par ailleurs, un humain sous stress est paralysé par la peur et n’est plus capable ni d’écouter ni d’apprendre. Cet humain ne mémorise que la peur et n’enregistre rien dans son hippocampe.
Le stress entraîne une destruction de neurones dans le cortex pré frontal (siège de la pensée)
Catherine Gueguen rappelle que le cortex pré frontal, structure fondamentale de l’être humain pensant, responsable et éthique, est très sensible au stress surtout durant les premières années de vie.
Dès que le stress est présent, les circuits qui nous permettent de penser, d’apprendre, de réfléchir et de mémoriser sont perturbés.
La peur nous rend moins intelligents car l’amygdale, en interférant avec le fonctionnement du cortex préfrontal, diminue l’exploration, rigidifie notre pensée, conduit à la peur de toute chose nouvelle. Plus le stress est intense, plus nous sommes dépossédés de nos facultés intellectuelles. Penser clairement n’est alors plus possible. – Catherine Gueguen
Par ailleurs, le circuit de régulation des émotions comprend de très nombreuses structures, en particulier dans les régions impliquées dans l’évaluation des menaces, des récompenses et des perceptions physiologiques du corps. Or toutes ces régions sont connectées au cortex préfrontal. Ainsi, le stress affecte la régulation émotionnelle : quand les enfants et adolescents ne savent pas réguler leurs émotions, ils peuvent souffrir d’anxiété, de dépression ou encore d’agressivité et ont plus de mal à se concentrer.
Au delà de l’apprentissage scolaire :
les méfaits du stress sur la santé physique et psychique
Quand les hormones de stress sont présentes en grande quantité et/ou de manière prolongée dans le sang, leurs effets négatifs sur l’organisme expliquent des modifications psychologiques et comportements importantes, au-delà des simples dimensions cognitives liées à l’apprentissage.
Perte de confiance (en soi et dans les autres)
L’enfant sous stress perd totalement confiance et vit les autres (et le monde) comme une menace constante. Cet état de perpétuelle méfiance l’amènera soit à fuir, soit à attaquer, soit à être dans un état de prostration.
L’enfant se sent alors déprimé, il risque de s’isoler s’il ne trouve personne qui lui apporte soutien, compréhension et empathie.
L’enfant peut aussi se sentir submergé par un sentiment de peur et son corps entre en hypervigilance , prêt à tout moment à attaquer, à fuir ou à se replier.
Troubles de l’humeur
Un taux élevé de cortisol entraîne chez l’enfant de nombreux troubles de l’humeur : il a le sentiment d’être dénué de forces, de courage et se sent en grande insécurité, synonyme d’angoisse.
Ses pensées, ses émotions, ses perceptions sont voilées par un sentiment de peur, de grand danger; il est alors inhibé, dans l’impossibilité d’entreprendre et de surmonter la moindre difficulté. – Catherine Gueguen
Ces troubles de l’humeur peuvent perdurer à l’âge adulte : la personne soumise à un stress fréquent et/ou intense dans l’enfance sans soutien reste en permanence hypersensible au stress avec des manifestations anxieuses et/ou dépressives.
Affaiblissement du système immunitaire
La sécrétion prolongée de cortisol peut aussi modifier le métabolisme et l’immunité de l’organisme, entraîner le développement de maladies chroniques, de maladies auto immunes (diabète, sclérose en plaques, polyarthrite…).
Par exemple, les enfants exposés au harcèlement scolaire développent plus de maladies inflammatoires à l’âge adulte.
Une relation adulte/ enfant proche et chaleureuse
prévient l’apparition du stress et ses effets négatifs
En 2012, Lieselotte Ahnert (université de Vienne en Autriche) a montré qu‘une relation enseignant-élève étroite et soutenante agit comme un puissant régulateur de stress.
Une relation proche, chaleureuse, étroite avec l’enseignant permet à l’élève de déstresser et de mettre son énergie dans le travail scolaire, dans les relations avec ses pairs et son enseignant. – Catherine Gueguen
Ainsi, quand les enseignants témoignent de l’empathie et mettent en place un environnement bienveillant et valorisant, ils désactivent l’amygdale des enfants (siège des réactions émotionnelles) et créent un état d’esprit serein propice à l’apprentissage.
Étant donné les très nombreuses études sur les répercussions du stress sur le cerveau de l’enfant et de l’adolescent, il paraît indispensable de tout faire pour mettre en œuvre un enseignement stimulant, motivant, bannissant la peur, le stress et respectant l’enfant dans ce qu’il est en évitant les mots blessants et les situations émotionnellement humiliantes.- Catherine Gueguen
Source : Heureux d’apprendre à l’école : comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation de Catherine Gueguen (éditions Les Arènes Robert Laffont). Disponible en médiathèque, en librairie ou sur internet
https://apprendreaeduquer.fr/mefaits-stress-enfants/
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